La plus grande crainte d’un jeune, lorsqu’il découvre sa préférence homosexuelle, est non seulement liée à son mal-être intérieur personnel grandissant – il ne se sent pas comme se sentent la majorité des autres et cela l’angoisse, il ne peut pas afficher ses fréquentations à la vue et au su de tout le monde -, mais aussi, par le fait d’être souvent et immédiatement jugé négativement par sa famille ou son entourage proche, dont le milieu scolaire-, d’être rejeté, de ne pas être compris.
Il est vrai que des plaisanteries douteuses sur le sujet fusent encore en 2023 à tout moment et dans tous les milieux. Il s’en suit, pour certains, une honte et un rejet de leur être, lorsqu’ils découvrent leurs penchants homosexuels « Non, pas ça, pas ces quolibets, pas moi ! ».
Cette situation est bien différente lorsque les parents et l’entourage proche montre un véritable amour inconditionnel et une grande empathie. Le jeune se sent aimé, entouré, et s’accepte beaucoup mieux (ceci est bien sûr l’idéal, et bravo à ces familles qui en sont des vraies !).
Mais il y a davantage que le rejet que nous évoquions plus haut : pour certains, et seulement pour certains, (qu’ils soient homosexuels ou transgenres) le choc est tellement important lorsqu’ils découvrent la vérité sur eux-mêmes à ce sujet, qu’ils peuvent parfois entrer (et ce n’est pas le cas de tout le monde, mais pensons aux pays où l’homosexualité est encore criminalisée) :
- dans une certaine victimisation (« Je suis une victime, je ne l’ai pas choisi, on ne m’a pas demandé mon accord… ; je suis victime des autres ou des événements, qui m’ont fait entrer dedans ; je suis victime de la perception de la société à mon égard »). Il y a en effet bris intérieur, fracture, perte et arrachement, sentiment d’être l’objet d’une intrusion, que l’on n’a pas mesurée. C’est un choc psychologique qui est subi de plein fouet par certains.
- dans un sentiment de deuil (« Je dois renoncer à l’hétérosexualité, je fais partie d’une minorité, je ne pourrai me marier à une femme et avoir des enfants »). Un état de morbidité peut même s’installer, avec des pulsions masochistes et de vengeance, des scarifications et des tentatives de suicide. La personne côtoie parfois le deuil et la mort.
- dans le déni et le doute (« Non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas comme cela, ce n’est pas vrai, c’est passager, et en fait, je suis hétérosexuel »). Le déni ou le doute peuvent durer plusieurs années chez certains, jusqu’au moment où la réalité s’impose sur le tard. En attendant, la personnalité s’est comme fragmentée partiellement et momentanément, certains secteurs comme les émotions et les pensées n’ont pas pu opérer un mûrissement nécessaire. Le mensonge et le dédoublement de personnalité s’installent.
- dans la colère et le sentiment d’injustice (« Pourquoi moi, pourquoi suis-je comme cela, que m’a-t-on fait pour que je sois devenu comme cela ? C’est injuste. Et chez les jeunes chrétiens : « Pourquoi Dieu m’a-t-il créé comme cela ? ». Cette colère est souvent secrète et refoulée, elle ronge la vie intérieure. Elle s’accompagne de sentiments de rébellion, et peut conduire à la marginalité et au rejet des autres.
- dans le marchandage (« Je vais procéder de telle et telle manière, et ça va partir » « Je vais commencer à sortir avec une fille, et ça marchera ! »). Ce marchandage pourra parfois conduire au désespoir et au découragement maximum, lorsque le sujet s’aperçoit que tous ses efforts sont vains. Et c’est généralement au moment du premier baiser profond.
- dans le sentiment d’impuissance et la désorganisation : « j’arrive difficilement à changer la situation… il n’y a peut-être aucune issue pour moi, je suis sans force et impuissant devant ce problème ; comment vais-je me réorganiser ? ». Le sentiment d’impuissance tend à faire entrer dans un état dépressif.
- dans le rejet et la dévalorisation de soi (« Je suis un raté, une tantouse, c’est n’importe quoi, je n’ai plus qu’à me cacher complètement des autres et à m’enterrer vivant »). Le rejet produit une mauvaise image de soi, une dévalorisation, il bloque le processus de maturation de la personnalité, et favorise par la suite la rigidité du caractère et le côté fuyant (détachement émotionnel de protection).
- dans la honte (« Je ne peux pas en parler, mon drame devra demeurer secret toute ma vie, je l’emporterai dans mon cercueil »). C’est le sentiment pénible et douloureux d’être diminué, à cause d’une humiliation, de moqueries, d’une crainte de ne pas être à la hauteur de l’attente des autres, et d’être découvert et déshonoré devant eux. La honte favorise la duplicité, la confusion, la dissolution de l’identité, la peur, la détresse et la rage.
- dans la résignation et le fatalisme (« Je suis comme cela, je le resterai toute ma vie, il ne faut attendre aucune évolution. Qui pourra m’aider ? Qui pourra m’entourer ? Qui me dira la vérité sur ce que je ressens ? Personne ne se soucie vraiment de moi »).
- dans l’angoisse puis la dépression (« Ma vie n’a pas de sens, je ne pourrai pas me marier et avoir des enfants, ma vie est fichue, je ne suis pas comme les autres, j’en ai marre, je baisse les bras »). Certaines personnes pratiquant l’homosexualité ont des problèmes avec un état dépressif ou avec la dépression nerveuse. Cet état de fragilité psychologique est en fait une sonnette d’alarme générale tout à fait classique de l’organisme, notamment face à certains traumatismes. Il est marqué par un abaissement du sentiment de sa valeur personnelle, par du pessimisme, de la mélancolie, des angoisses continuelles et un affaiblissement du désir de vivre. Il nécessite quelquefois un traitement médicamenteux sur une longue période. Seuls ceux qui ont déjà traversé une dépression peuvent avoir une idée de la réalité très douloureuse des souffrances réelles et bien spécifiques qu’elle entraîne.
- dans la culpabilité (« Si j’avais su ! j’aurais certainement pu éviter ça, je suis certainement responsable. J’aurais pu prévoir, et mieux faire… tout est de ma faute, et maintenant c’est certainement trop tard »). L’auto-accusation s’installe, puis la culpabilité. La culpabilité et le rejet engendrent la timidité et l’isolement social, le repli sur soi, la dissimulation, et l’enfermement dans une prison-ghetto inaccessible.
Au niveau spirituel, cette culpabilité peut être accentuée par une lecture fondamentaliste et légaliste de certains versets de la Bible. Elle peut l’être également par une confusion entre l’homosexualité et les personnes la pratiquant. Ces confusions, projetées par certains croyants hétérosexuels, peuvent entraîner un rejet de toute religion, mais aussi un rejet de toute relation entre les êtres tous différents et leur Créateur, leur source.
Cela donne lieu à l’émergence régulière de pensées du type « Dieu m’a créé comme cela, de plus Il le réprouve, et donc Il ne m’aime pas » ou « Je ne peux pas changer, et comme mon homosexualité ne semble pas souhaitée par Dieu, donc je me coupe de Lui et des chrétiens ».
- dans la haine de la société et de l’Église (« Ils ne comprendront jamais rien, je les déteste »). Cette haine de la société est accentuée par l’homophobie ambiante, souvent omniprésente, et le fait qu’en arrière-fond, la société ne considère pas réellement les personnes pratiquant l’homosexualité comme des personnes à part entière.
- dans le désir de mourir (« Autant quitter cette vie, elle est trop dure »). Beaucoup de jeunes pratiquant l’homosexualité font une tentative de suicide, la plupart ont entre 16 et 20 ans. Ils veulent cesser de souffrir et de se cacher à vie, en cherchant à entrer dans la mort.
Menée entre 1998 et 2003 auprès de 933 hommes, âgés de 16 à 39 ans, l’étude réalisée par Marc Shelly (médecin en santé publique à l’hôpital parisien Fernand-Widal ) et David Moreau (ingénieur de recherche à l’association de prévention Aremedia) a été préparée et validée par Pascale Tubert-Bitter, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à l’unité biostatistique et épidémiologie.
Chiffres–clés : En Suisse
Les jeunes LGBT ont 2 à 5 fois plus de risque de se suicider que les jeunes hétérosexuel–le–s (Häusermann 2014, p. 9 ; Descuves et Berrut 2013, p. 35).
La période du coming–out (entre 14 et 17 ans) est celle où le risque suicidaire est le plus élevé, particulièrement le moment de la première annonce à l’entourage (Häusermann 2014, p. 9).
Pour les jeunes gays, 50% des premières tentatives se produisent avant l’âge de 20 ans (Häusermann 2014, p. 9).
74% des premières tentatives de suicide parmi les jeunes lesbiennes ont lieu avant l’âge de 20 ans, 43% entre 14 et 16 ans (Descuves et Berrut 2013, p. 35).
Ce sont les jeunes de moins de 25 ans qui sont le plus victimes d’actes homophobes (Häusermann 2014, p. 9).
Autres chiffres clés :
Les personnes trans* ont jusqu’à dix fois plus de risque de se suicider que les personnes cisgenres (Haas, Rodgers et Herman 2014, p. 2).
Parmi les jeunes trans*(16 à 26 ans), 69% ont déjà pensé au suicide, contre 20% chez les jeunes en général (Alessandrin 2013, p. 5).
50% des personnes trans* ont été victimes de discrimination et/ou de violences à l’école (Haas, Rodgers et Herman 2014, p. 2).
63% des adultes ont pensé au suicide ou on fait des tentatives de suicide avant leur transition, contre seulement 3% post–transition (McNeil et al. 2012, p. 59).
Le taux de tentative de suicide est compris entre 29.9% et 41%, selon les études (Haas, Rodgers et Herman 2014, p. 2).
Les personnes trans* sont davantage discriminées à cause de leur inadéquation aux normes de la féminité ou de la masculinité qu’à cause de leur d’orientation sexuelle réelle ou supposée et sont des cibles privilégiées d’insultes et de coups, notamment à l’école.
La majorité des tentatives de suicide a lieu avant une éventuelle transition de genre, ou lorsqu’une transition est souhaitée mais pas possible (pas de service de santé adapté, pression sociale/familiale, manque de ressources, etc.).
QUELQUES PRECISIONS…
• Coming out : On appelle «coming out» le processus qui amène une personne homosexuelle à annoncer son orientation sexuelle vis–à–vis de la majorité hétérosexuelle. Les 3 grandes étapes de ce processus sont chronologiquement:
• Les personnes trans vivent aussi ce processus de coming–out, mais au plan de l’identité de genre cette fois.
• Identité de genre : sentiment intime et personnel d’une personne d’être un homme ou une femme (ou les deux ou ni l’un ni l’autre), identité ressentie, sociale, comportementale. Pour beaucoup de personnes, l’identité de genre coïncide avec le sexe de naissance, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.
• Orientation sexuelle : genre–s par le(s)quel–s une personne est attirée
• Trans* : personne dont l’identité de genre ou l’expression de genre diffère du sexe auquel elle a été assigné à la naissance. « Le terme trans est souvent accompagné d’un astérisque ou parfois d’une apostrophe. C’est pour signifier que ce terme englobe toutes les identités transidentitaires, qui ne se limitent pas à transsexuel–le ou transgenre, mais comprennent aussi les identités de genre non–binaires qui sortent de la dichotomie homme/femme. » Pour un lexique plus détaillé : www.association360.ch/trans
• Transition de genre : Le fait pour une personne transidentitaire de modifier son corps (sans forcément passer par la chirurgie), son apparence, et/ou son comportement social pour changer du genre assigné par son sexe à la naissance vers celui qu’elle ressent être dans son identité de genre.
• Cisgenre : personne dont l’identité de genre correspond avec le sexe de naissance.
En constante augmentation depuis plusieurs années, la propension de jeunes LGBTQ à avoir envisagé une tentative de suicide atteint désormais 45%, selon l’enquête annuelle 2022 menée par The Trevor Project.
La tendance n’est pas bonne. Chaque année The Trevor Project, organisme américain de soutien aux jeunes LGBTQI+, mène une enquête dont le rapport 2022, publié le mercredi 4 mai, atteste l’augmentation du mal-être endémique chez les ados et jeunes adultes LGBTQ+. L’étude, menée l’an dernier auprès de 34.000 personnes âgées de 13 à 24 ans, révèle en effet que 45% de ces jeunes ont « sérieusement envisagé une tentative de suicide au cours de l’année écoulée ». Et ils sont plus d’un sur dix à être passés à l’acte.
Des données qui confirment à nouveau l’augmentation, constante depuis quelques années, du taux de jeunes LGBTQI+ ayant eu des pensées suicidaires. Celui-ci est passé de 39% en 2019 à 42% en 2021 pour atteindre les 45% de cette année, un niveau record. Dans le détail, les résultats montrent une surreprésentation dans ce phénomène des personnes trans et non-binaires : 53% ont pensé au suicide, contre 33% des jeunes cisgenres.
Les jeunes trans particulièrement à risque
Quant aux tentatives de suicide, elles sont également bien plus nombreuses chez les non-cis, chez qui un jeune sur cinq est passé à l’acte, contre moins d’un jeune cisgenre sur dix. On observe également que les pensées suicidaires sont plus massivement présentes chez les ados que chez les jeunes adultes, avec respectivement 50% et 37% des sondé·es, une tendance que l’on retrouve concernant les tentatives de suicide (18% chez les 13-17 ans contre 8% chez les 18-24 ans).
Au-delà des pensées suicidaires, la jeunesse LGBTQI+ souffre à 73% d’anxiété et à 58% de symptômes de dépression, ces derniers touchant deux tiers des jeunes transgenres et non-binaires. Dans la population cisgenre, une différence se fait jour entre garçons et filles tant pour l’anxiété (56% des garçons contre 71% des filles) que pour la dépression (41% et 51%).
Jonah DeChants, chercheur pour The Trevor Project, souligne que « les attaques politiques récentes visant les jeunes transgenres et non-binaires ont non seulement menacé leur accès aux soins de santé, aux systèmes de soutien et à l’affirmation des espaces à l’école, mais elles ont également eu un impact négatif sur leur santé mentale ». En effet, en moins de trois mois cette année, le nombre de projets de loi LGBTphobes a allègrement battu un record outre-Atlantique. (Têtu)
Un coût psychique et physique élevé
(Cairn.info)
Quelle que soit la stratégie (outrance, ou au contraire dissimulation de son homosexualité ou de sa non-conformité aux stéréotypes de genre) mise en œuvre par les jeunes LGBTQ pour échapper ou résister à une discrimination possible, le coût psychique et physique s’avère souvent élevé, même à long terme. Il n’est pas négligeable non plus pour les jeunes hétérosexuels victimes d’actes homophobes, comme plusieurs études l’ont montré.
Les discriminations homophobes se distinguent des autres par la faiblesse du soutien de la famille (pouvant aller jusqu’aux mauvais traitements durant l’enfance), la faible intervention des adultes par crainte de « contagion » du stigmate, et la précocité des préjudices qui peuvent toucher de manière très large tout jeune soupçonné de faire partie d’une minorité sexuelle, indépendamment de l’orientation sexuelle effective. Les témoignages recueillis et les enquêtes en milieu scolaire soulignent que les années de collège et de lycée sont particulièrement éprouvantes (du fait d’actes homophobes de la part d’élèves mais aussi de propos vexants ou injurieux de la part d’adultes, ou de leur indifférence devant les agressions homophobes). Les jeunes LGBTQ qui en sont victimes ne peuvent donc pas s’appuyer sur une expérience acquise par leur famille, et cette famille n’est pas toujours un havre de paix puisque les jeunes des minorités sexuelles ont un risque plus élevé que les jeunes hétérosexuels d’y subir de mauvais traitements.
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